2. Ecriture et amour : une vision réductrice de la poésie rimbaldienne


        Comme nous l'avons remarqué précédemment, le film d'Agnieska Holland a véritablement contribué à la propagation du mythe Rimbaud-Verlaine. Mais ce film est-il  une représentation objective du jeune poète ? Assurément non. Très mal reçu par la critique, les littéraires lui reprochent notamment son caractère réducteur. En effet, c'est durant sa relation avec Verlaine que Rimbaud a été le plus actif artistiquement parlant mais la poésie a-t-elle une grande place dans l’œuvre d'Holland ? Seules deux scènes sur deux heures trente de film, représentent Rimbaud le poète face à sa poésie :





Si la première scène ne représente que le personnage de Rimbaud, il est observable que la seconde fait continuellement appel à la relation entre les deux poètes. En effet, alors qu'est représenté le poète en pleine écriture, c'est-à-dire le poète Rimbaud dans sa définition la plus totale, un plan de Verlaine en prison vient s'introduire dans ce moment de création. De plus, nous pouvons remarquer que les plans de Rimbaud se recentrent continuellement sur sa main écorchée par la balle qu'il a reçue lors du "drame de Bruxelles". Ainsi, les différents plans se répondent et donnent l'impression au spectateur que Verlaine devient la muse de Rimbaud. En effet, le début de la scène nous représente Rimbaud face à la difficulté de la création et finalement ce sont ces images de Verlaine qui finissent par le faire écrire. D'ailleurs, l'extrait se clôt sur les larmes du jeune Arthur comme hanté par ces images carcérales. 
Ici, le film sous-entend l'influence de Verlaine sur l'écriture de son amant en rendant la poésie indissociable de la relation amoureuse. Pourtant, l'amour n'est pas le thème principal de la poésie rimbaldienne quoique ce film laisse imaginer au spectateur. Ainsi, il abandonne le Rimbaud poète pour ne se centrer que sur un Arthur amoureux, d'où l'aspect réducteur que lui reprochent les critiques.
 

La relation Rimbaud-Verlaine a donc inspiré le monde des arts et continue de le fasciner. D'ailleurs, pour le 120e anniversaire de la mort de Rimbaud, l'émission On ne demande qu'à en rire consacre un sketch au jeune poète. Pour rappeler le principe de l'émission, l'animateur propose à des humoristes de mettre en sketch des faits marquant de l'actualité. Ainsi sur le thème "le 120e anniversaire de la mort de Rimbaud", voici le résultat que propose le duo d'humoristes "Les lascars gays" :



Dans cette référence au "drame de Bruxelles", remarquons dans un premier temps l'erreur flagrante, pour un public littéraire, d'attribuer le poème "Mon rêve familier" de Paul Verlaine à Arthur Rimbaud. D'autre part, pour ce sketch, les deux humoristes ont choisi de mettre ce poème au masculin alors que les vers d'origine sont pourtant attribués à une femme ("Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant / D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime, / Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même / Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend"). Certainement ce choix est-il du à la volonté d'accentuer la relation homosexuelle que représentent les deux humoristes. Enfin, ce travail ne jugera pas la qualité humoristique de ce sketch, chacun choisira d'en tirer les conclusions qu'il désire.
Quoiqu'il en soit, sur le sujet "le 120e anniversaire de la mort de Rimbaud", il est réducteur d'évoquer Rimbaud pour sa relation avec Verlaine. Ainsi, ce sketch parait être la triste représentation que les médias actuels font de Rimbaud : l'amant de Paul Verlaine. Qu'en est-il de sa poésie ? N'est-il pas réducteur de définir Rimbaud, le poète qui a révolutionné la poésie française, par sa vie amoureuse avec Verlaine ?

Ainsi, la relation Rimbaud-Verlaine a inspiré et inspire toujours les arts mais à quel prix ? Quoique cette histoire d'amour fascine, faut-il pour autant en oublier les deux poètes, figures de la poésie française ? Heureusement, voyons que d'autres arts parviennent toutefois à s'inspirer de Rimbaud le poète et non d'Arthur, l'amant de Paul Verlaine.